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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/21

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XX
la vie de spinoza.

toute leur autorité dépend entièrement de celle des magistrats ou souverains qui tiennent la place de Dieu dans les villes et républiques où le clergé s’est établi ; qu’ainsi ce n’est point leur propre religion que les pasteurs doivent s’ingérer d’enseigner, mais celle que le magistrat leur ordonne de prêcher. Tout ceci, au reste, n’est établi que sur les principes mêmes dont Hobbes s’est servi dans son Léviathan.

M. Bayle nous apprend[1] que le style, les principes et le dessein du livre d’Antistius étaient semblables à celui de Spinoza qui a pour titre Tractatus theologico-politicus ; mais ce n’est rien dire de positif. Que ce Traité ait paru justement dans le même temps où Spinoza commença d’écrire le sien, et que le Tractatus theologico-politicus ait suivi peu de temps après cet autre Traité, n’est pas une preuve non plus que l’un ait été l’avant-coureur de l’autre. Il est très-possible que deux personnes entreprennent d’écrire et d’avancer les mêmes impiétés ; et parce que leurs écrits viendraient à peu près en même temps, il n’y aurait pas lieu pour cela d’en inférer qu’ils seraient d’un seul et même auteur. Spinoza lui-même, interrogé par une personne de grande considération s’il était l’auteur du premier Traité, le nia positivement, ce que je tiens de personnes dignes de foi. La latinité des deux livres, le style et les manières de parler ne sont pas non plus si semblables comme on prétend : le premier s’exprime avec un profond respect en parlant de Dieu ; il le nomme souvent Dieu très-bon et très-grand, Deum ter optimum maximum. Mais je ne trouve de pareilles expressions en aucun endroit des écrits de Spinoza.

Plusieurs personnes savantes m’ont assuré que le livre impie qui a pour titre l’Écriture sainte expliquée par la philosophie, Philosophia sacræ Scripturæ interpres[2], et le Traité dont nous avons fait mention venaient l’un et l’autre d’un même auteur, à savoir, L… M… Et quoique la chose me semble fort vraisemblable, je la laisse pourtant au jugement de ceux qui peuvent en avoir une connaissance plus particulière.

Ce fut en l’an 1670 que Spinoza publia son Tractatus theologico-politicus. Celui qui l’a traduit en flamand a jugé à propos de

  1. T. III du Dictionnaire, p. 2773.
  2. Imprimé in-4o en 1600. Col.