Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/245

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eux une chose inconnue, par conséquent qu’il n’y a aucune règle, aucune méthode pour interpréter l’Écriture et qu’on y peut voir tout ce qu’on voudra.

Quelqu’un dira peut-être que je raisonne ici d’une manière trop générale et que mes preuves ne sont pas suffisantes ; ma réponse, c’est que je prie qu’on veuille bien marquer un ordre déterminé dans les récits historiques de l’Écriture, de telle façon qu’on y puisse établir une exacte chronologie ; je prie aussi qu’en interprétant les témoignages de l’historien et les mettant d’accord les uns avec les autres, on n’altère en rien les phrases et les tours dont il s’est servi, ainsi que la disposition et la contexture de ses récits, tout cela avec une si grande fidélité que l’on puisse prendre pour règle, en écrivant soi-même des phrases hébraïques, la manière d’expliquer celles de l’Écriture[1] ; que si quelqu’un parvient à satisfaire à toutes ces conditions, je déclare que j’en passerai par tout ce qu’il voudra, et le regarderai comme un oracle. Pour ma part, j’ai cherché longtemps à réaliser le plan que je viens de tracer ; mais j’avoue qu’il m’a été impossible d’y réussir. J’ajoute qu’il n’y a pas une seule de mes opinions sur l’Écriture qui ne soit le fruit d’une longue méditation ; et bien que, dès mon enfance, j’aie été habitué aux sentiments ordinaires qu’on a sur les livres saints, je n’ai pu m’empêcher d’être conduit à ceux que je professe actuellement. Mais il est inutile d’arrêter le lecteur sur de pareils détails et de l’exciter à entreprendre une œuvre impossible ; j’ai voulu seulement expliquer plus clairement mon opinion en mettant la difficulté dans tout son jour. Je vais donc poursuivre l’examen que j’ai commencé de la destinée des livres de l’Écriture.

Il faut observer, en premier lieu, que les dépositaires de ces livres ne les ont pas gardés avec un tel soin qu’il ne s’y soit glissé aucune faute. Car les plus anciens d’entre les scribes y ont remarqué plusieurs leçons douteuses, et

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 19.