Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/106

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votre guide), cueillir dans nos vergers des pommes humides de rosée. J’entrais alors dans ma douzième année ; déjà je pouvais atteindre le bout des branches. Je te vis, et je fus perdu ! Un fatal délire emporta ma raison.

Ô ma flûte ! essaie avec moi les chants du Ménale.

Maintenant je connais l’Amour : il est né sur les plus durs rochers du Tmare ou du Rhodope, ou chez les Garamantes, aux extrémités de la terre. Cet enfant n’est ni de notre espèce ni de notre sang.

Ô ma flûte ! essaie avec moi les chants du Ménale.

L’Amour, le cruel Amour apprit à une mère à souiller ses mains du sang de ses enfants. Mère barbare ! étais-tu plus barbare ? était-il plus méchant ? Sans doute l’Amour fut cruel ; mais tu fus aussi bien barbare !

Ô ma flûte ! essaie avec moi les chants du Ménale.

Que l’on voie désormais le loup fuir devant les brebis, les chênes porter des pommes d’or, le narcisse fleurir sur les aunes, l’aride bruyère distiller l’ambre onctueux, le hibou égaler le chant du cygne, Tityre devenir un Orphée, un Orphée dans les forêts, un Arion parmi les dauphins.

Ô ma flûte ! essaie avec moi les chants du Ménale.

Que toute la terre se change en une mer sans rivages ! Adieu,