Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/130

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la taupe aveugle s’y est ménagé une retraite ; et on y a surpris le crapaud et les bêtes nuisibles que la terre produit si nombreuses ; souvent un monceau de blé devient la proie du charançon ou de la fourmi si prévoyante pour les besoins de sa vieillesse.

Observe l’amandier, lorsqu’il se couvre de fleurs et courbe vers la terre ses branches odorantes : si les fleurs l’emportent sur les feuilles, c’est pour ta récolte un heureux présage, et de grandes chaleurs amèneront d’abondantes moissons ; mais s’il n’étale qu’un luxe inutile de feuillage, le fléau ne battra qu’une paille épaisse et vide.

J’ai vu bien des laboureurs tremper leurs semences dans de l’eau de nitre et du marc d’olives, pour donner à l’enveloppe du grain une apparence souvent trompeuse ; et bien qu’un feu modéré eût aidé à l’effet de cette préparation, bien que ces semences eussent été choisies et examinées avec le plus grand soin, elles n’en dégénéraient pas moins, si chaque année un nouveau choix ne triait le plus beau grain. Telle est la loi du destin : tout tombe en ruine, tout va rétrogradant. Ainsi, à force de rames, un nautonier pousse sa barque contre le courant d’un fleuve ; son bras faiblit-il un instant, l’onde l’entraîne aussitôt dans son courant rapide.