Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/144

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leur cours, la terre s’entr’ouvre, et, dans les temples, l’ivoire se couvre de larmes, et l’airain de sueur. Le roi des fleuves, l’Éridan, déborde, et, dans son cours impétueux, déracine, entraîne les forêts, et roule à travers les campagnes les étables avec les troupeaux. Longtemps dans les entrailles des victimes apparurent des fibres menaçantes ; le sang coula des fontaines publiques, et nos cités retentirent, pendant la nuit, des hurlements des loups ; jamais, par un ciel serein, la foudre ne tomba plus fréquemment ; jamais ne s’allumèrent plus de comètes effrayantes.

Aussi les plaines de Philippes ont-elles vu, pour la seconde fois, Romains contre Romains combattre avec les mêmes armes ; les dieux ont souffert que deux fois notre sang engraissât les vastes champs de la Thessalie et de l’Hémus. Viendra un jour où, dans ces tristes contrées, le laboureur, en ouvrant la terre avec le soc de la charrue, rencontrera des dards rongés par la rouille, ou, de son pesant râteau, heurtera des casques vides, et contemplera avec effroi, dans les tombeaux entr’ouverts, de gigantesques ossements.

Dieux de nos pères, dieux protecteurs de l’empire, Romulus, et toi, auguste Vesta, qui veilles sur le Tibre et sur le palais de nos Césars, laissez du moins ce jeune héros soutenir ce siècle