Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/151

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blions pas le petit Argos, dont les vins plus abondants résistent mieux que tous les autres à l’injure des ans ; et toi, le charme de nos desserts, le plaisir des dieux qu’on y invoque, comment t’oublier, délicieux vin de Rhodes, ainsi que toi, Bumaste, aux grappes si gonflées ? Mais énumérer et nommer toutes ces espèces de vins n’est ni facile ni fort important : on aurait plus tôt compté les grains de sable que le vent soulève dans les plaines de la Libye, ou les flots que l’Eurus, quand il fond avec violence sur les navires, pousse aux rivages d’Ionie.

Tout sol ne convient pas à toutes productions. Le saule naît au bord des rivières, l’aune dans la fange des marais, l’orne stérile sur les montagnes pierreuses ; le myrte égaie les rivages, la vigne aime les coteaux exposés au soleil, et l’if l’Aquilon et son souffle glacé.

Parcourez, d’une extrémité à l’autre, l’univers dompté par la culture, depuis les contrées plus heureuses qu’habite l’Arabe jusqu’aux climats glacés du Gélon qui se peint le corps : chaque arbre a sa patrie. L’Inde seule produit la noire ébène ; la Sabée seule voit croître la tige qui donne l’encens. Dirai-je le bois odoriférant d’où coule le baume ; l’acanthe aux feuilles toujours vertes ; ces arbres de l’Éthiopie, brillant d’un tendre du-