Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/169

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moins les prairies et les ruisseaux coulant dans les vallées soient l’objet de mon amour ! Puissé-je vivre inconnu près des fleuves ou dans les forêts ! Ah ! où sont les champs qu’arrose le Sperchius ! où est le Taygète, foulé en cadence par les vierges de Sparte ! Ah ! qui me transportera dans les fraîches vallées de l’Hémus, et me couvrira de l’ombre épaisse des bois !

Heureux celui qui a pu remonter aux principes des choses, mettre sous ses pieds toutes les craintes, et le destin inexorable, et le bruit de l’avare Achéron ! Heureux aussi celui qui connaît les divinités champêtres, Pan, le vieux Silvain et les nymphes ! Rien ne l’émeut : ni les faisceaux que donne le peuple, ni la pourpre des rois, ni la discorde armant des frères perfides, ni le Dace descendant de l’Ister conjuré contre nous, ni les triomphes de Rome et la chute prochaine des empires. La vue de l’indigence ne vient point l’affliger, et l’aspect de la richesse n’excite point son envie. Les fruits que lui donnent d’eux-mêmes ses arbres et ses champs, il les recueille en paix ; et il ne connaît ni la rigueur des lois, ni les cris insensés du Forum, ni le dépôt des actes publics. D’autres fatiguent avec la rame des mers périlleuses, se précipitent aux combats, s’introduisent dans les cours et dans le palais des rois. Celui-ci ruine une ville et ses pénates, pour