Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/272

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le destin menace, et quelle est la victime que demande Apollon ?

« Alors le roi d’Ithaque traîne, à grand bruit, Calchas au milieu du peuple et le somme de déclarer la volonté des dieux ; et déjà plusieurs m’annoncent l’exécrable artifice du traître, et lisent en silence dans l’avenir. Dix jours entiers, Calchas s’obstine à se taire : enfermé dans sa tente, il refuse de nommer la victime et d’envoyer personne à la mort. Enfin, pressé par les clameurs redoublées d’Ulysse, et d’accord avec lui, il rompt ce silence concerté, me nomme et me dévoue à l’autel. Tous applaudissent, et le coup que chacun a redouté pour sa tête est vu sans regret détourné sur la mienne. Déjà le jour funeste était arrivé ; déjà tout était prêt pour le sacrifice : le sel, les gâteaux sacrés et les bandelettes qui devaient ceindre mon front. Je l’avoue, je me suis dérobé à la mort ; j’ai pu me cacher, à la faveur de la nuit, dans les roseaux d’un lac marécageux, attendant que les Grecs missent à la voile, si par hasard ils s’y décidaient. Je n’ai donc plus l’espérance de revoir mon antique patrie, ni mes tendres enfants, ni mon père tant regretté. Peut-être que sur eux les Grecs feront retomber la peine de ma fuite, et qu’ils laveront ma faute dans le sang de ces infortunés. Ah ! par les dieux immortels, par les divinités à qui la vérité ne saurait se cacher, par la justice et la