Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/344

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nouveaux banquets, et, dans son délire, veut entendre encore une fois le récit des malheurs d’Ilion, et reste, encore une fois, suspendue aux lèvres du héros. Et quand la nuit les sépare, quand la lune obscurcie à son tour a voilé sa lumière, quand les astres à leur déclin invitent au sommeil, seule elle gémit dans son palais désert, et va s’asseoir sur le lit qu’Énée vient de quitter. Elle le voit, absent ; absent, elle l’écoute encore. Quelquefois, charmée par la ressemblance, elle presse sur son sein le jeune Ascagne, et cherche à tromper, s’il se peut, son fatal amour. Déjà, dans Carthage, les tours commencées ne s’élèvent plus ; les jeunes Tyriens ne s’exercent plus aux armes ; le port et les remparts destinés à défendre la ville restent abandonnés : tous les travaux demeurent suspendus, et les murs qui s’élevaient menaçants, et les machines qui allaient toucher le ciel.

Dès que l’épouse chérie de Jupiter voit la reine en proie au mal qui la dévore, sans que le soin de sa renommée mette un frein à son ardeur, elle aborde Vénus, et dit : « Eh bien ! vous l’emportez ! voilà, pour vous et votre fils, une noble victoire, un trophée glorieux ! C’est un grand et mémorable effet de votre puissance, qu’une femme seule soit vaincue par la trahison de deux divinités ! Non, je ne me trompe point, vous redoutez des remparts que je protége, et le séjour de la superbe Carthage