Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/361

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trahi, je ne le réclame plus ; je ne demande plus qu’il renonce, pour moi, à son beau Latium et à l’empire qui lui est promis : je ne demande qu’un vain délai, qu’une trêve et le temps de calmer ma folle passion ; dis-lui d’attendre que, vaincue par ma douleur, j’aie appris à la supporter. C’est la dernière grâce que j’implore (prends pitié de ta sœur !) ; et quand il me l’aura accordée, je t’en serai reconnaissante jusqu’à la mort. »

Telles étaient les prières, et tels les gémissements que sa malheureuse sœur porte et reporte à Énée. Mais ni les pleurs ne peuvent l’ébranler, ni toutes ces prières le fléchir. Les destins s’y opposent ; un dieu ferme à la pitié l’oreille du héros. Ainsi, quand, au sommet des Alpes, les aquilons conjurés luttent contre un chêne antique, durci par les ans, et, dans leur souffle impétueux, s’efforcent de le renverser, l’air mugit, le tronc s’ébranle et jonche au loin le sol de son feuillage : mais l’arbre s’attache aux rochers ; et, autant son front altier s’élève vers les astres, autant ses pieds descendent vers l’empire des morts. Tel le héros est assailli longtemps par les plaintes et par la prière. Sa grande âme est émue de douleur ; mais sa volonté demeure inflexible, et dans ses yeux roulent de vaines larmes.

Alors la malheureuse Didon, accablée sous le poids de sa destinée, invoque la mort : l’aspect de la voûte des cieux la fatigue