Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/362

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et l’ennuie ; de noirs présages l’affermissent dans son projet d’abandonner la vie. Elle a vu, tandis qu’elle chargeait d’offrandes les autels où fumait l’encens, elle a vu (chose horrible !) l’eau sacrée se noircir, et le vin du sacrifice se changer en un sang de mauvais présage. Elle seule a vu ce prodige : elle le tait à sa sœur. C’est peu : dans son palais, s’élevait un temple de marbre consacré à son premier époux ; elle l’honorait d’un culte particulier ; il était orné de toisons blanches comme la neige et de guirlandes de feuillage : là, quand la nuit couvre la terre de ses ténèbres, Didon croit entendre des cris, la voix de Sichée qui l’appelle, et, sur le toit du palais, le hibou solitaire répéter son chant de mort, et traîner son cri lugubre en gémissements. En outre, d’anciennes et nombreuses prédictions l’épouvantent par de terribles avertissements. Le cruel Énée lui-même vient troubler ses songes et irriter sa fureur. Elle se voit toujours seule et abandonnée, toujours errante, sans guide, en de longs chemins, et cherchant ses Tyriens en d’immenses déserts. Tel, dans son délire, Penthée voit les Euménides, un double soleil et deux Thèbes s’offrir à ses regards ; ou tel le fils d’Agamemnon, Oreste, se montre sur la scène, quand il fuit devant sa mère armée de torches et de noirs serpents, vers le temple