Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/372

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À peine elle avait dit, ses suivantes la voient tomber sous le coup mortel : elles voient le glaive fumant de sang et ses mains défaillantes. Des cris s’élèvent jusqu’aux voûtes du palais. La renommée sème la nouvelle de cette mort dans la ville épouvantée. Partout on n’entend que plaintes lamentables, que voix gémissantes, et hurlements de femmes éplorées. L’air retentit de clameurs funèbres : on dirait qu’un vainqueur terrible envahit et renverse Carthage ou l’antique Sidon, et que les flammes roulent en fureur sur les demeures des hommes et sur les temples des dieux.

À ce bruit, Anna, éperdue et pleine de terreur, hâte ses pas tremblants : déchirant son visage, et se meurtrissant le sein, elle accourt au milieu de la foule, et appelant par son nom sa sœur mourante : « C’était donc là ton dessein, ma sœur ! tu voulais me tromper ! et voilà donc ce que me préparaient ce bûcher, ces feux et ces autels ! De quoi me plaindrai-je d’abord dans cet abandon ? As-tu dédaigné ta sœur pour compagne de ta mort ? pourquoi ne m’as-tu pas appelée à partager ton destin ? le même fer, la même douleur, le même instant eût terminé notre vie ! Mes mains ont élevé ce bûcher ! et j’ai donc invoqué les dieux paternels, pour que tu pusses ainsi mourir seule, en mon absence ! Tu as anéanti d’un seul coup, et toi, ma sœur, et moi, et ton