Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/373

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peuple, et le sénat de Sidon, et la ville fondée par toi ! Donnez cette eau limpide, que je lave sa blessure : et s’il erre encore un dernier souffle sur ses lèvres, que ma bouche puisse le recueillir ! » Elle dit, et déjà elle avait franchi les hautes marches du bûcher. Déjà elle serrait dans ses bras et réchauffait, en gémissant, contre son sein, sa sœur expirante, et avec ses vêtements elle étanchait les flots d’un sang noir. Didon essaie péniblement d’entr’ouvrir des yeux appesantis qui se referment soudain. Le sang s’échappe en bouillonnant de sa blessure. Trois fois, avec effort, en s’appuyant sur le coude, elle se soulève ; trois fois elle retombe sur sa couche : de ses yeux égarés elle cherche la lumière des cieux, et gémit de l’avoir trouvée.

Alors, la puissante Junon, ayant pitié de ses longues douleurs et de son pénible trépas, envoie Iris du haut de l’Olympe pour dégager cette âme qui luttait contre ses liens : car la mort de Didon n’était ni ordonnée par le destin, ni méritée, mais l’infortunée périssait, avant le temps, victime d’une fureur soudaine, et Proserpine n’avait pas encore enlevé à son front le blond cheveu, ni dévoué sa tête à l’empire du Styx. Déployant donc dans les airs ses ailes brillantes et humides de rosée, qui reflètent au soleil les nuances de mille couleurs, la messagère des cieux vole et descend au-dessus de la tête de Didon : « Je vais, suivant l’ordre qui