Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/412

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à toutes les prières. Ni le temps, ni la piété, ne calment son ressentiment. Sa haine infatigable brave les ordres de Jupiter et les arrêts du destin. Pour elle ce n’est point assez d’avoir renversé, au sein de la Phrygie, une ville puissante, et d’en avoir traîné les grands débris à travers toutes les infortunes : elle poursuit encore la cendre et les ossements de Troie au delà du tombeau. Elle seule connaît les causes d’une telle fureur. Vous-même, naguère, vous fûtes témoin de l’affreuse et soudaine tempête excitée par elle sur les ondes de la Libye. Secondée par la fureur des vents qu’Éole déchaîna, mais en vain, elle confondit la mer avec les cieux : voilà ce que Junon a osé dans votre empire. Et, par un crime nouveau, égarant les esprits des Troyennes, elle vient de brûler honteusement nos vaisseaux, et de réduire mon fils, en détruisant sa flotte, à laisser ses compagnons sur une terre inconnue. Que du moins ce qui reste puisse, je vous en conjure, déployer en sûreté ses voiles sur les flots ! qu’il puisse aborder aux rives du Tibre, dans les champs de Laurente, si ma demande est juste, et si les Parques nous accordent ces remparts tant promis ! »

Alors le fils de Saturne, souverain des mers profondes, répond à la déesse : « Vous avez tout droit, Cythérée, de ne rien craindre dans mon empire, qui fut votre berceau. J’ai moi-même mérité votre confiance. Souvent j’ai fait taire les vents, et réprimé la