Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/439

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point à ma vue. Pourquoi me fuir ? C’est la dernière fois que le destin me permet de vous parler. »

Par ces mots, entremêlés de larmes, Énée s’efforçait d’apaiser cette ombre courroucée, qui lui lançait de farouches regards. Mais Didon, détournant la tête, tenait ses yeux fixés vers la terre, et restait aussi insensible à ces paroles que le plus dur rocher ou qu’un marbre de Paros. Enfin, elle s’échappe, et, furieuse, s’enfuit dans l’épais bocage où Sichée, son premier époux, partage sa douleur, et répond à son amour. Énée, touché d’un destin si funeste, la suit longtemps des yeux en pleurant, et plaint son infortune.

Cependant il poursuit la route prescrite, et bientôt il arrive à cette plaine reculée où sont rassemblés à l’écart les mortels que la guerre a rendus célèbres. Là, s’offrent à sa vue Tydée, Parthénopée, illustre par ses armes, et l’ombre du pâle Adraste. Là sont les Troyens, moissonnés dans les combats, et tant pleurés sur la terre. Il gémit en voyant cette longue suite de guerriers : Glaucus, Médon, Thersiloque, les trois fils d’Anténor, et Polyphète, prêtre de Cérès, et Idée, tenant encore et des rênes et des armes. Ces ombres se pressent de toutes parts autour du héros ; c’est peu de le voir une fois : elles cherchent à le retenir