Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/440

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et à suivre ses pas, et s’informent des causes de sa venue. Mais les chefs des Grecs, les phalanges d’Agamemnon, à la vue du prince troyen et de ses armes dont l’éclat perce les ténèbres, tremblent, saisis d’épouvante. Les uns fuient, comme autrefois ils regagnèrent leurs vaisseaux ; les autres veulent crier, et leurs cris s’arrêtent dans leur bouche béante.

Là, Énée voit Déiphobe, fils de Priam, le corps couvert de sanglantes plaies, le visage déchiré, les deux mains coupées, les oreilles arrachées de ses tempes, et le nez mutilé par une hideuse blessure. Le malheureux cherche, en tremblant, à cacher les traces d’un supplice cruel. Énée, qui l’a d’abord à peine reconnu, lui adresse ces paroles amies : « Déiphobe, puissant par les armes, issu du noble sang de Teucer, quel barbare se plut à t’infliger de pareils supplices ? qui a osé se permettre sur toi un tel outrage ? La renommée m’apprit que dans la dernière nuit d’Ilion, fatigué d’un immense carnage, tu étais tombé sans vie sur un confus amas de Grecs égorgés. Alors moi-même je t’élevai un tombeau vide sur le rivage de Rhétée, et trois fois j’appelai tes mânes à haute voix. Là, se voient ton nom et tes armes. Mais ton corps, ô ami ! je ne pus le découvrir et le déposer, en partant, dans la terre de la patrie. »