Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/441

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« Ami, répond le fils de Priam, tu n’as rien négligé. Tu t’es acquitté envers Déiphobe et envers son ombre malheureuse. Mais c’est mon destin, c’est le crime horrible de cette Lacédémonienne qui m’a plongé dans ces maux : voilà les monuments qu’elle m’a laissés de sa foi. Il te souvient (et comment pourrait-on l’oublier ?) des joies trompeuses de la dernière nuit d’Ilion ? Tandis que le colosse fatal qui portait dans ses flancs des soldats armés franchissait nos superbes remparts, Hélène, simulant des danses, conduisait les chœurs de bacchantes phrygiennes : elle-même, une torche à la main, appelait les Grecs du haut de la citadelle. En ce moment, accablé de soucis, appesanti par le sommeil, j’étais étendu sur ma couche malheureuse, et je goûtais un doux repos, semblable au calme de la mort. Alors, ma tendre épouse enlève de mon palais toutes les armes, et dérobe à mon chevet ma fidèle épée : elle appelle Ménélas, et lui ouvre les portes. Sans doute, elle se flattait que cette perfidie serait d’un haut prix aux yeux de son premier époux, et qu’elle effacerait ainsi le souvenir de ses anciens forfaits. Que te dirai-je ? les Grecs fondent sur mon lit ; avec eux est Ulysse, l’instigateur des crimes. Dieux ! si j’ai droit d’implorer votre vengeance, rendez aux Grecs tous les maux qu’ils m’ont faits ! Mais, toi-même,