Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/442

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parle à ton tour, et dis-moi quels sont les hasards qui t’amènent dans ces lieux ? y viens-tu poussé par les caprices de la mer, ou par l’ordre des dieux ? ou quelque autre malheur te force-t-il à visiter ce séjour de trouble et ces tristes demeures sans soleil ? »

Cependant l’Aurore, sur son char de roses, traîné par quatre coursiers, avait déjà atteint le milieu de l’axe éthéré, et peut-être le temps prescrit se serait écoulé dans de semblables entretiens, si la Sibylle, compagne du héros, n’eût averti Énée en peu de mots : « La nuit vient, et nous consumons le temps en pleurs inutiles. C’est ici que la route se partage en deux chemins divers : l’un, à droite, mène au palais de Pluton : c’est le chemin de l’Élysée ; l’autre, à gauche, est celui de l’affreux Tartare, séjour des méchants et théâtre de leurs supplices. » — « Puissante prêtresse, reprend Déiphobe, ne soyez pas irritée ; je me retire, je vais rejoindre la foule des ombres, et rentrer dans les ténèbres. Et toi, l’honneur d’Ilion, va, prince, va, et jouis d’un destin plus heureux ! » Il dit, se détourne et s’éloigne.

Énée alors regarde et voit à gauche, au pied d’un rocher, une vaste enceinte qu’un triple mur défend. À l’entour, le rapide Phlégéthon roule des torrents de flammes et des rocs retentissants. En face est une porte immense, entre des colonnes du