Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/449

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la suite de ses descendants, sa chère postérité, leurs destins, leurs fortunes diverses, leurs mœurs et leurs exploits. À peine il aperçoit Énée qui accourt à travers la prairie, que, dans son empressement joyeux, il lui tend les deux bras ; des pleurs baignent ses joues, et sa bouche laisse tomber ces mots : « Tu es enfin venu ! et ta piété, si connue de ton père, a vaincu les périls de ce voyage. Il m’est donné, ô mon fils ! de contempler encore tes traits, d’entendre ta voix si chère, et de lui répondre ! il est vrai que cet espoir était dans mon cœur ; je pensais, en calculant les temps, que ta venue n’était pas éloignée : mon espoir ne m’a point trompé. Que de terres, que de mers il t’a fallu parcourir, ô mon fils ! avant d’arriver près de moi ! À combien de dangers tu as été en butte ! que j’ai craint pour toi le royaume de Libye ! — Ô mon père ! répond Énée, c’est votre ombre, votre ombre affligée, qui, s’offrant souvent à mes regards, m’a fait descendre en ce séjour. Ma flotte repose dans la mer de Tyrrhène. Donnez-moi votre main ! donnez, mon père, et ne vous dérobez pas à mes embrassements ! » Il disait, et de larges pleurs inondaient son visage. Trois fois il veut presser dans ses bras cette ombre chère, et trois fois elle échappe à ses mains, pareille aux vents légers, semblable au songe qui s’envole.