Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/450

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Cependant Énée aperçoit, dans le fond du vallon, un bocage solitaire, plein d’arbrisseaux sonores, agités par le vent. Le Léthé arrose de son onde ce paisible séjour. Sur ses rives voltigent des nations et des peuples sans nombre. Telles, dans un beau jour d’été, on voit les abeilles, répandues dans les prairies, se poser sur diverses fleurs et se presser autour des lis éclatants de blancheur : toute la plaine retentit de leur bourdonnement. Énée tressaille à la vue du spectacle qui s’offre à lui, et veut en connaître la cause : quel est ce fleuve, et quels peuples, si nombreux, couvrent ses rivages. Anchise répond : « Ces âmes, à qui les destins doivent d’autres corps, viennent boire dans les eaux du Léthé la sécurité et le long oubli. Dès longtemps, ô mon fils ! je voulais te parler de ces âmes, les montrer ici à tes regards, et te faire compter notre nombreuse postérité, afin que tu goûtes mieux avec moi la joie d’avoir trouvé l’Italie. — Ô mon père ! faut-il croire que des âmes remontent d’ici au séjour éthéré, et qu’elles rentrent de nouveau dans des corps grossiers ? D’où leur vient ce fol amour de la vie ? — Je vais te l’apprendre, ô mon fils ! et je ne ferai pas languir ta curiosité. » Et aussitôt Anchise lui dévoile en détail ces grands secrets :

« D’abord, et le ciel, et la terre, et les mers, le globe lumineux