Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/465

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verront prosterné à leurs pieds, et soumis à leur empire, tout ce que, dans sa course, le soleil éclaire de l’un à l’autre Océan. »

Cette réponse de Faunus, et cet avis donné dans la nuit silencieuse, Latinus ne les tint pas renfermés en lui-même ; et déjà l’agile Renommée, dans son vol rapide, en avait semé le bruit dans toutes les villes de l’Ausonie, lorsque les fils de Laomédon, entrés dans le Tibre, attachèrent leurs vaisseaux sur ses bords verdoyants. Énée, les chefs de ses guerriers et le bel Iule se reposent sous l’ombrage d’un arbre élevé. Là, ils préparent un repas frugal, et sur l’herbe sont placés des gâteaux de pur froment (ainsi le conseillait Jupiter) ; plusieurs sortes de mets couvrent, et des fruits champêtres couronnent ces tables de Cérès. Tous les mets épuisés, la faim force les convives d’attaquer ces légers gâteaux : mais à peine ont-ils rompu de leurs mains et commencé à broyer, sous leurs dents avides, les contours de la pâte fatale, sans en épargner la surface étendue : « Eh quoi ! nous mangeons aussi nos tables ! » dit en riant le jeune Iule. Ces mots, échappés de sa bouche, annoncent aux Troyens le terme de leurs longues infortunes ; Énée les a saisis : il y voit avec étonnement un oracle accompli, il les médite en silence ; puis, tout à coup : « Salut ! s’écrie-t-il, terre qui m’es promise par les destins ! et