Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/52

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d’un pathétique tempéré par la dignité décente ; une poésie magnifique d’où sortent d’indirectes et salutaires leçons, puisées dans des impressions profondes et sensibles, et rendues dans de beaux vers qui se gravent d’eux-mêmes ; une poésie qui, pour la peindre en ses plus illustres lecteurs, a sa place dans la cassette d’un Auguste, ou sous le chevet d’un Chatham et d’un Fox, comme d’un Fénelon : j’appelle de ce dernier nom tout homme de goût et de sentiment. Telle est l’épopée régulière, non plus homérique, mais de la moyenne antiquité et déjà moderne, telle qu’on la peut définir, en général, au sortir de la lecture de Virgile, et en lui laissant son plus beau sens.


V. DE QUOI SE COMPOSE LE GÉNIE ET L’ART D’UN VIRGILE ; ET QU’IL EST BON DE S’EN PROPOSER L’IDÉE EN CE TEMPS-CI.


Avant d’entrer dans l’analyse du poëme (ce que j’ai fait ailleurs[1]) et d’en être à cette lecture de l’Énéide, à laquelle je ne puis convier chacun en particulier que de loin, il y a besoin encore pour moi de bien établir et de rappeler à l’avance ce que cette lecture justifierait à chaque page, et ce que les souvenirs de tous m’autorisent dès à présent à résumer, les principales et différentes qualités et comme les éléments constitutifs du génie même de Virgile, plusieurs des parties du moins qu’il a su réunir dans une harmonie et une proportion qui est une dernière qualité suprême et le cachet achevé de ce génie. Son originalité relative et sa perfection, en regard d’Homère et des poëtes primitifs plus grandioses, plus naturellement sublimes et animés de plus de feu, va résulter de cet ensemble de qualités qui se joignent si bien et s’assortissent savamment sous un doux maître.

J’énumère donc quelques-uns des talents et des mérites

  1. Dans le volume intitulé Étude sur Virgile, d’où ces Prolégomènes sont tirés.