Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/543

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de tenter quelque grande entreprise ; mon âme n’est pas satisfaite d’un tranquille repos. Tu vois l’aveugle sécurité des Rutules : leurs feux ne brillent plus que de loin en loin ; ils sont ensevelis dans le sommeil et dans l’ivresse, et partout règne le silence : apprends donc ce que je médite, et quelle pensée vient de surgir dans mon esprit. Tous, et le peuple et les chefs, demandent qu’Énée soit rappelé, et que des messagers soient envoyés, qui rapportent des nouvelles certaines. Si l’on me promet ce que je demanderai pour toi (car, pour moi, la gloire d’un tel exploit me suffit), je crois pouvoir trouver, au pied de cette colline, un chemin qui me conduira aux murs de Pallantée. »

Frappé d’étonnement, Euryale, qu’excite un vif amour de gloire, répond en ces termes à son ardent ami :

« Quoi ! Nisus, dédaignes-tu d’associer Euryale à de si grands projets ? Te laisserai-je courir seul à de tels dangers ? Sont-ce là les leçons que j’ai reçues de mon père, le vaillant Opheltès, au milieu des alarmes d’un long siège et des périls d’Ilion ? est-ce ainsi que tu m’as vu agir, depuis que j’ai suivi avec toi le magnanime Énée et ses destins ? Ce cœur, oui certes, ce cœur sait mépriser la vie ; et je ne croirais pas acheter trop cher l’honneur où tu cours, en le payant de mon sang. »