Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/544

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« Je ne me suis jamais défié de ton courage, reprend Nisus, et le doute ne m’était pas permis. Puissent Jupiter et les dieux, favorables à mon entreprise, me ramener triomphant près de toi ! Mais si la fortune, si quelque dieu ennemi, me poussent à ma perte (tu vois combien de hasards j’ai à courir), je veux que tu me survives : ton âge a plus de droits à la vie : si je succombe, il me restera un ami pour dérober mon corps au vainqueur, ou pour le racheter et lui donner la sépulture ; ou, si la fortune s’y oppose, tu consoleras mes mânes absents, en les honorant d’un tombeau. Me préservent les dieux de causer une si grande douleur à ta malheureuse mère ; elle qui, seule de toutes les mères, a osé suivre son fils, et a dédaigné l’asile qu’Aceste lui offrait ! — Vains prétextes ! s’écrie Euryale ; ma résolution est inébranlable : hâtons-nous. » Il dit, éveille ceux que leur tour de garde appelait à les remplacer, leur livre le poste, et suit Nisus vers la tente du roi.

C’était le moment où, sur la terre, tout ce qui respire cherchait dans les bras du sommeil l’oubli des soucis et des fatigues du jour : les chefs de l’armée et l’élite de la jeunesse tenaient conseil sur les graves intérêts de l’État. Debout, appuyés sur leurs longues lances, et le bouclier au bras, ils délibéraient, au centre du