Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/559

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vous vous en souvenez, ô déesses, et vous pouvez en éterniser la mémoire.

Une tour, d’une prodigieuse hauteur, et garnie de ponts élevés, s’élevait dans un lieu favorable : tous les Rutules unissaient leurs efforts pour la prendre d’assaut, et faisaient tout pour la renverser : les Troyens, de leur côté, la défendaient en lançant des pierres, et, par ses larges embrasures, faisaient pleuvoir une grêle de traits. Turnus, le premier, jette un brandon ardent qui s’attache aux flancs de la tour : bientôt la flamme, excitée par le vent, saisit la charpente, et se fixe dans les portes qu’elle consume. Les Troyens que la tour renferme cherchent en vain, dans leur effroi, à fuir le péril qui les menace ; et tandis qu’ils se pressent et se portent en masse du côté qu’épargne encore le fléau, la tour, fléchissant sous le poids, s’écroule tout à coup, et tout le ciel retentit d’un épouvantable fracas. Entraînés dans cette chute immense, les Troyens tombent à demi morts sur le sol, percés de leurs propres traits, ou la poitrine traversée par des éclats de bois. Deux guerriers, Hélénor et Lycus, échappent seuls, et avec peine, à ce grand désastre. Le plus âgé des deux, Hélénor, était fils du roi de Méonie : Licymnie sa mère, une simple esclave, l’avait mis au jour secrètement et envoyé au siége de Troie avec des armes interdites à sa naissance : guerrier sans gloire, il portait une épée et un bouclier sans ornement. Dès qu’il se voit au