Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/584

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tient sur la surface des ondes silencieuses, instruit en ces mots le prince du prodige qu’il ignore :

« Veilles-tu, fils des dieux ? veille, et donne un libre essor à tes voiles. Tu vois en nous ces pins nés sur la cime sacrée de l’Ida, aujourd’hui Nymphes de la mer, naguère tes vaisseaux. Le perfide Rutule nous menaçait du fer et de la flamme : nous avons à regret brisé les câbles qui nous arrêtaient au rivage ; et nous te cherchions sur les vastes mers, lorsque, touchée de notre sort, la bienveillante Cybèle nous a donné de passer notre vie sous les ondes en qualité de déesses. Cependant le jeune Ascagne est étroitement pressé dans ses retranchements, en butte aux traits ennemis et à la belliqueuse fureur des Latins. Déjà les cavaliers que t’envoie l’Arcadie, réunis aux braves Toscans, occupent le poste qui leur est assigné : mais Turnus fait ses dispositions, pour leur opposer sa cavalerie, et prévenir leur jonction avec ton camp. Lève-toi, et qu’aux premiers rayons de l’Aurore renaissante, tes compagnons soient sous les armes : pour toi, prends ce bouclier invincible, ouvrage de Vulcain, et dont il a entouré le contour d’un cercle d’or. Demain (si mes paroles méritent de ta part quelque confiance) le soleil éclairera un effroyable carnage des Rutules. »