Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/628

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une guerre dont vous ignorez l’issue ? Quelle leçon vous donnaient cependant ceux dont les armes victorieuses ont porté le ravage dans les champs troyens, sans parler de ceux qui périrent sous les remparts mêmes d’Ilion, et que le Simoïs engloutit dans ses ondes : nous avons expié nos crimes par des supplices et des châtiments dont Priam lui-même aurait pitié, s’il pouvait être témoin de nos infortunes. Rappellerai-je la tempête déchaînée par Minerve, les écueils de l’Eubée et le roc vengeur de Capharée ? Pour prix de cette fatale conquête, jeté sur les bords les plus opposés, Ménélas traîne son exil par-delà les colonnes de Protée ; Ulysse a vu les Cyclopes de l’Etna. Vous dirai-je le règne de Néoptolème ; Idoménée chassé de son trône et de ses états, et les Locriens réfugiés sur les côtes de la Libye ? Le roi de Mycènes lui-même, le chef de la Grèce, Agamemnon a succombé, au seuil même de son palais, sous le poignard de sa criminelle épouse, et l’adultère Égisthe a fait tomber dans ses piéges le vainqueur de l’Asie. Et moi, les dieux jaloux ne m’ont-ils pas envié la douceur de revoir la belle Calydon et d’embrasser une épouse chérie ? Maintenant encore n’ai-je pas sous les yeux d’effrayants prodiges : mes malheureux compagnons prenant leur essor dans les airs et transformés en oiseaux qui se voient condamnés au supplice d’errer sur le bord des fleuves, et de remplir les rochers de leurs cris douloureux ?