Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/633

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dans un abîme de maux ? Il n’est plus de salut dans la guerre : nous te demandons tous la paix, Turnus, et avec elle le gage qui seul peut en garantir la durée. Moi le premier, que tu regardes comme ton ennemi, et qui ne me défends pas de l’être, je viens te supplier : prends pitié des tiens ; dépose ton orgueil ; vaincu, retire-toi. Nos défaites nous ont fait voir assez de funérailles ; nous avons assez porté la désolation dans nos campagnes. Si la gloire te touche ; si ton cœur se sent capable d’un généreux courage ; s’il te faut absolument un sceptre pour dot, affronte avec confiance le fer de l’ennemi. Faut-il que, pour assurer à Turnus une épouse du sang royal, nous autres, tourbe vile, privés de tombeaux et de larmes, nous couvrions les champs de nos cadavres ? Va donc, si tu as du cœur, s’il te reste quelque chose du courage de tes pères, va regarder en face le rival qui te provoque ! »

À ce discours, la colère de Turnus ne se contient plus ; il gémit, et son courroux éclate en ces termes :

« Ta bouche, Drancès, est toujours féconde en paroles, quand la guerre réclame des bras. Ton poste au conseil est toujours le premier occupé ; mais qu’importe ce vain bruit de mots pompeux que tu prodigues sans danger, lorsque de forts retranchements te séparent de l’ennemi, et que nos fossés ne sont pas encore inondés de sang ? Fais donc tonner ton éloquence ; c’est ta coutume :