Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/690

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tuée de sa propre main, et, dans son effroi, a fui la lumière. Messape et le bouillant Atinas soutiennent seuls aux portes tout l’effort des assiégeants : d’épais bataillons les pressent de toutes parts, et l’on voit partout se hérisser une moisson de fer et d’épées nues ; et cependant le char de Turnus parcourt tranquillement une plaine déserte ! »

Interdit, accablé de tout ce qu’il entend, Turnus reste plongé dans un morne silence. Au fond de son cœur bouillonnent à la fois la honte, l’égarement mêlé à la douleur, l’amour furieux, et la conscience de sa valeur. Dès que les ombres se sont dissipées, et que la lumière est rendue à son esprit, il tourne vers la ville des regards enflammés de courroux, et, du haut de son char, il la contemple. Tout à coup, il aperçoit un immense tourbillon de flammes ondoyantes s’élevant d’étage en étage jusqu’aux cieux, et dévorant la tour dont il avait lui-même dressé la charpente posée sur des roues et garnie de ponts élevés : « C’en est fait, ma sœur, s’écrie-t-il à cet aspect, le destin l’emporte : cesse de m’arrêter plus longtemps : courons où m’appellent les dieux et la Fortune ennemie. Je vais combattre Énée, j’y suis résolu ; je veux subir la mort dans tout ce qu’elle a d’affreux. Tu ne me verras pas plus longtemps sans honneur, ô ma sœur ; je t’en