Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/418

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— Que Dieu soit béni de m’éclairer d’une manière si complète, si satisfaisante, qu’il n’y a pas un homme en Angleterre qui puisse accuser ma conduite d’imprudence ou ma vengeance d’injustice ! Et cependant, Varney, si jeune, si belle, si caressante, et si perfide ! Voilà donc d’où provenait sa haine envers toi, mon fidèle et bienaimé serviteur ! tu t’opposais à ses complots et tu avais mis en danger la vie de son amant !

— Je ne lui ai jamais donné d’autre cause d’aversion, milord, reprit Varney ; mais elle savait que mes conseils tendaient directement à diminuer son influence sur Votre Seigneurie, et que j’ai toujours été et serai toujours prêt à exposer ma vie pour combattre vos ennemis.

— Ce n’est que trop évident, répondit Leicester ; et cependant avec quel air de magnanimité elle m’exhortait à abandonner ma tête à la clémence de la reine plutôt que de porter un moment de plus le voile de la dissimulation ! Il me semble que l’ange de la vérité lui-même n’aurait pu faire entendre de plus nobles accents. Est-il possible, Varney, que la fausseté emploie avec cette hardiesse le langage de la vérité ? l’infamie peut-elle se revêtir d’une forme aussi pure ? Varney, tu m’as été attaché dès mon enfance ; je t’ai élevé, je puis t’élever davantage encore. Pense, pense pour moi ; ton esprit fut toujours pénétrant et judicieux : n’est-il pas possible qu’elle soit innocente ? Prouve-le-moi, et tout ce que j’ai encore fait pour toi ne sera rien, rien en comparaison de ta récompense. »

Les angoisses déchirantes auxquelles son maître était livré ne furent pas sans effet sur Varney, tout endurci qu’il fût ; car, au milieu de ses complots criminels et ambitieux, il aimait son maître autant qu’un misérable de son espèce était capable d’aimer quelque chose. Mais il se raffermit et étouffa les reproches de sa conscience, par la réflexion que s’il causait au comte quelque peine momentanée, c’était afin de lui ouvrir une route au trône qu’il jugeait qu’Élisabeth était prête à partager avec son bienfaiteur, si le mariage du comte était dissous par la mort ou de quelque autre manière. Il persévéra donc dans sa politique infernale, et, après un moment de réflexion, répondit aux impatientes questions de Leicester par un regard mélancolique, comme s’il eût cherché vainement à disculper la comtesse. Puis, relevant soudainement la tête, il dit, avec une expression d’espérance qui se communiqua soudainement à la figure de son maître : « Et cependant, si elle était coupable, pourquoi se serait-elle exposée à venir ici ? pourquoi ne pas fuir plutôt chez son père,