Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/202

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sentiment de répugnance inspiré par le caractère de celle qui la lui avait offerte, car elle le tirait d’un grand embarras : il n’avait en poche que quelques schellings ; son argent aussi bien que son portemanteau était en la possession des amis de Meg. Il lui fallait quelque temps pour écrire à son agent, ou même pour avoir recours à son bon hôte de Charlies-Hope, qui serait venu à son aide avec bien du plaisir. En attendant, il se détermina à user de la bourse de Meg, résolu de profiter de la première occasion pour lui rendre cet argent avec une bonne gratification. Ce ne peut être qu’une petite somme, se dit-il à lui-même, et je dois croire que la bonne dame aura quelques-uns de mes billets de banque en échange.

En faisant ces réflexions il ouvrit la bourse de cuir, s’attendant à y trouver au plus trois ou quatre guinées ; mais quelle fut sa surprise en découvrant qu’elle contenait, outre une grande quantité de pièces d’or de différentes valeurs et de divers pays, dont le montant n’allait pas loin de cent livres, plusieurs bagues de prix, des bijoux ornés de pierreries et qui paraissaient être, d’après le simple coup d’œil qu’il eut le temps de donner, d’une valeur très considérable.

Brown fut également étonné et embarrassé de se trouver possesseur d’objets d’une valeur bien au-dessus de ce qu’il avait perdu, mais qui, selon toutes les apparences, avaient été acquis par les mêmes moyens de spoliation dont il venait d’être la victime. Sa première pensée fut de s’informer de la demeure du juge de paix le plus proche, de déposer entre ses mains le trésor dont il était devenu le dépositaire d’une manière si extraordinaire, et de lui raconter en même temps son histoire non moins remarquable. Mais un moment de réflexion lui fit voir les inconvénients de celle démarche. D’abord, ce serait violer la promesse qu’il avait faite de garder le silence, et probablement compromettre la sûreté, peut-être la vie de cette femme qui avait risqué ses jours pour sauver les siens, et lui avait remis volontairement ce trésor : sa générosité deviendrait ainsi l’instrument de sa ruine ; on ne pouvait pas y penser. En outre, il était étranger, inconnu dans ce pays ; la perte de ses papiers lui ôtait même les moyens de se faire connaître, d’établir sa qualité au magistrat, peut-être ignorant et stupide, auquel il pouvait s’adresser. « J’y réfléchirai plus mûrement, dit-il ; peut-être y a-t-il un régiment en garnison dans la ville voisine ; et alors ma connaissance du service, mes relations avec un bon