Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/280

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— Eh bien ! Masgie, chaque endroit a ses habitudes. Mais qu’est donc devenu Steenie cette nuit à l’heure où tout le monde est rentré et couché ? et où est aussi votre homme ?

— J’ai mis mon homme au lit, car il n’en pouvait plus, et Steenie est allé faire quelque expédition nocturne avec le vieux mendiant Édie. Ils ne tarderont pas à rentrer, vous pouvez vous asseoir.

— Ma foi, bonne mère, je n’ai guère le temps de m’arrêter : mais il faut que je vous raconte les nouvelles : vous avez sans doute entendu dire que sir Arthur avait trouvé une grande cassette remplie d’or là-bas à Saint-Ruth ; il sera plus fier que jamais maintenant ; il n’osera plus éternuer, de peur d’apercevoir ses souliers.

— Bon, bon, cela a couru tout le pays ; mais le vieil Édie prétend qu’on en met vingt fois plus qu’il n’y en a, et il l’a vu déterrer lui-même. Pardine, ce ne seraient pas de pauvres gens comme nous qui feraient une semblable trouvaille.

— Ah ! c’est bien vrai. Et vous avez sans doute su la mort de la comtesse de Glenallan, et comment elle a été exposée sur un lit de parade, et comme on doit l’enterrer cette nuit même à Saint-Ruth,

    Forth, escortée de quelques vaisseaux de guerre qui ne voulurent répondre à aucun signal. Une alarme générale se répandit, en conséquence de laquelle tous les pêcheurs, qui étaient enrôlés pour servir sur mer en cas d’attaque, montèrent à bord des chaloupes canonnières, qu’ils devaient faire manœuvrer selon que l’occasion le demanderait, et allèrent à la rencontre de cet ennemi supposé. Il se trouva que ces étrangers étaient des russes, avec lesquels on était alors en paix. Les propriétaires du district appelé le Mid-Lothian, satisfaits du zèle que ces pêcheurs avaient développé dans un moment si critique, passèrent un vote pour qu’il fût fait présent à leur communauté d’un bol à punch en argent, qui devait servir dans les grandes fêtes ; mais les femmes des pêcheurs, ayant appris ce que l’on se proposait de faire, réclamèrent leur part séparée dans la récompense honorable destinée à leurs maris. Ces hommes, dirent-elles, étant leurs maris, c’est elles qui auraient souffert de leur mort s’ils eussent été tués, et c’était avec leur permission et par leurs ordres qu’ils s’étaient embarqués à bord des chaloupes canonnières pour le service public : elles demandaient donc de partager la récompense qui devait distinguer le patriotisme féminin qu’elles avaient montré dans cette occasion. Les gentilshommes du comté accueillirent volontiers cette réclamation ; et, sans rien diminuer de la valeur du présent qui fut fait aux hommes, ils donnèrent aux femmes une agrafe de prix pour attacher l’écharpe de celle qui se trouvait à leur tête en ce moment, et qu’on eût pu appeler la reine des poissardes.

    On peut ajouter encore que ces néréides sont très pointilleuses entre elles, et observent différens degrés, suivant les marchandises qu’elles vendent. Une des plus expérimentées d’entre elles disait, en parlant d’une autre plus jeune, que c’était une pauvre imbécile qui n’avait pas d’ambition, et qui ne s’élèverait jamais, prédisait-elle, au dessus du commerce des moules.