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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/339

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Marianne.

Eh ! que veux-tu de moi ?Que vous me laissiez fuir,
Et rentrer au Couvent d’où vous m’avez tirée.

Monsieur Argant.

Je ne puis.

Marianne.

Je ne puis.Accordez cette grace à mes pleurs.
En vous la demandant mon ame est déchirée.
Vous m’aimez : je prévois avec quelles douleurs
Vous supporterez ma retraite.

Monsieur Argant.

Ne t’imagine pas non plus que je m’y prête.
J’ai de fortes raisons pour ne pas consentir
À te laisser aller suivre une folle envie.

Marianne.

Ah ! n’appréhendez pas qu’un jour le repentir
Vienne dans mon désert empoisonner ma vie.
Je trouverai de quoi fixer tous mes desirs
Dans sa tranquillité profonde.
C’est lorsqu’on a du moins un peu connu le monde
Qu’on peut, dans la retraite, avoir de vrais plaisirs.
Que je m’en vais l’aimer ! Qu’elle me sera chere !
Je n’y sentirai plus le poids de ma misere.
Hélas ! je l’ignorois dans mon obscurité :
J’y vivois sans me voir sans cesse humiliée
Par le défaut de bien, de rang, de qualité :
Permettez qu’à jamais j’y puisse être oubliée.

Monsieur Argant.

Non ; c’est un dessein pris, où je suis affermi :