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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/346

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Ce sacrifice-là n’est pas en ma puissance.
Ma fille… Non, Monsieur, je ne puis m’en priver.
Pour la sacrifier, la victime est trop chere.

Doligni pere.

Eh ! bien, quoi qu’il puisse arriver,
Votre fille est chez vous, déclarez-vous son pere.
Si vous prétendez la garder,
Il faut bien, tôt ou tard, découvrir ce mystere.
Si vous n’osez le hazarder,
Je vous offre mon ministere.
Une femme en courroux m’embarrasse fort peu.
Entre la mienne & moi la paix étoit si rare,
Que je ne suis pas neuf en pareille bagarre.
Moi, j’oppose à leur premier feu
Un flegme des plus salutaires.
Il en est, sans comparaison,
Tout comme des enfans mutins & volontaires :
Quand la force leur manque, ils entendent raison.
Au surplus, vous touchez au moment de la crise.
Songez que votre femme, au gré de son espoir,
Va remplir le projet dont elle est trop éprise ;
Que, sans doute, on fera les accords dès ce soir ;
Qu’il est tems de parler en pere de famille,
En maître, s’il le faut, & si vous le pouvez.

Mr. Argant.

Que j’appréhende !…

Doligni pere.

Que j’appréhende !…Quoi ! qu’est-ce que vous avez ?

Mr. Argant.

Et si ma femme alloit faire enlever sa fille,