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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/352

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Mad. Argant.

Je pourrois avoir quelque tort :
Mais cette fille enfin dont vous plaignez le sort,
Quand nous l’envoyâmes en France,
Pour être élevée en Couvent,
Étoit dans sa plus tendre enfance.

Mr. Argant.

Hélas ! je me le suis reproché bien souvent.

Mad. Argant.

Depuis, je ne l’ai point revûe.
Dans mon cœur, il est vrai, l’absence a triomphé.
L’éloignement, l’oubli, le tems, ont étouffé
La tendresse que j’aurois eue,
Si vous aviez laissé cet enfant sous mes yeux ;
Vous n’auriez jamais eu de reproche à me faire.
Eh ! je ne demandois pas mieux.
Vous ne voulûtes pas ; il a fallu vous plaire ;
Et mon fils en a profité.

Marianne.

Mais ma tante a raison ; elle se justifie.
C’est votre faute à vous.

Mr. Argant, à Marianne.

C’est votre faute à vous.Laisse-moi, je te prie.
Vous verrez que c’est moi qui manque d’équité !
Tout se peut réparer. Daignez voir votre fille ;
Que je vous la présente ; accordez-moi ce bien.

Mad. Argant.

Que faire d’un enfant qui n’est au fait de rien,
Qui n’a jamais vécu qu’à l’ombre d’une grille,