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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/354

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Mr. Argant.

L’égalité, Madame, est la loi de nature.
Il n’en faut avoir qu’un, quand on veut qu’il ait tout.

Mad. Argant.

Pouvez-vous mieux placer mon espoir & le vôtre ?
Il est bien naturel, quand on a le bonheur
D’avoir reçu du Ciel un fils comme le nôtre,
De chercher à s’en faire honneur.

Mr. Argant.

La nature sans doute en a fait un prodige !

Mad. Argant.

Elle a versé sur lui ses plus précieux dons.
Il peut aller à tout, si nous le secondons.

Mr. Argant.

Peut-on donner dans ce prestige ?

Mad. Argant.

Il est homme d’esprit.

Mr. Argant.

Il est homme d’esprit.Qui diable ne l’est pas ?

Mad. Argant.

Homme d’esprit !

Mr. Argant.

Homme d’esprit !Mais oui ; rien n’est plus ordinaire.
C’est un titre banal. On ne peut faire un pas
Qu’on ne voit accorder ce nom imaginaire
À tout venant, à gens qui ne sont bien souvent
Que des cerveaux brûlés, des têtes à l’évent,
Que les plus fats de tous les hommes.
Ce qu’on prend pour esprit, dans le siecle où nous sommes,