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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

campagne. Le Dedjadj Guoscho n’était pas fâché d’ailleurs d’avoir ce prétexte de guerre. Ses victoires sur les Gallas flattaient son amour-propre plus que toutes les autres ; elles enrichissaient son pays, et, dans le secret de sa pensée, il caressait l’espoir de forcer un jour ce peuple païen à adopter le christianisme.

Un matin, le Prince m’engagea à choisir un cheval parmi ceux qu’il recevait journellement en tribut, et qu’avant de distribuer à ses troupes, il faisait essayer devant sa tente.

— En Gojam, me dit-il, à l’exception des ecclésiastiques, tout homme de bonne condition a son cheval de combat, et il ne convient pas que tu en sois dépourvu.

Je vis quelques beaux chevaux, mais, par un reste de discrétion européenne, je ne laissai pas paraître qu’ils me fissent envie ; j’eusse désiré bien davantage savoir les manier comme les cavaliers qui les montaient, mais la libéralité du Prince ne pouvait aller jusque-là. Un jour, pendant que le Prince faisait sa sieste et qu’Ymer Sahalou causait avec moi, à la porte de ma tente, en attendant le réveil de son maître, il s’éleva un grand tumulte, et nous vîmes arriver sur la place un beau cheval gris-pommelé. Effrayé par l’aspect du camp, il avançait par saccades, les crins au vent, la tête haute, les naseaux distendus, et entraînait avec lui deux robustes palefreniers plutôt qu’il n’était conduit par eux. J’oubliai un moment Ymer pour admirer ce fougueux animal sans selle, sans couverture, sans rien qui masquât la beauté de ses formes.

Après le repas du soir, devant le petit cercle