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LE MYSTÈRE DE LA TRINITÉ


L’histoire que voici me vient de ma grand’mère.
Brasparts n’est pas en soi paroisse très austère
Et le bon Guyader raconte qu’autrefois
Ripailles et festins y furent ceux de rois.
Le rire truculent et la farce anodine
S’exhalaient, m’a-t-on dit, d’une très riche mine.
Argent au Huelgoat, mais or rouge à Brasparts,
Chacun (en ses bons mots) y passait maître ès-arts.
Ce fou de cidre doux, en chatouillant la panse,
Faisait mousser le sang et laissait sans défense,
Contre l’ange du mal, ses tours de mauvais gueux,
Les enfants de Brasparts, croyants et vertueux !
Or donc, il n’était point, au moment où nous sommes,
En tout ce pays-là, parmi ces joyeux hommes,
D’estomac délabré ni d’esprit bilieux.
On n’en savait aucun en ces agrestes lieux
Qui put par son aspect, sa mine réjouie,
Se targuer d’engendrer quelque neurasthénie.
Chacun était un peu fêtard et bon enfant.
Quant au curé, c’était figure de vivant.
Il vous avait, seigneurs, la plus belle des trognes
Dont n’auraient point rougi les plus parfaits ivrognes ;
Et partout, de l’Arrée aux marais de Botmeur,
Son nom haut prononcé conjurait le malheur.
Rien que de l’entrevoir tous sautaient de liesse,
Les femmes, les vieillards, les enfants, la jeunesse,