Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/72

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pour le livrer, en cas de succès, à un supplice inévitable ; 3o le dessécher dans mon laboratoire avec la quasi certitude de le ressusciter après la paix. Tous les amis de l’humanité comprendront sans doute que je ne pouvais pas hésiter longtemps.

Je fis appeler le bas officier Garok, et je le priai de me vendre le corps du colonel. Ce n’était pas la première fois que j’achetais un cadavre pour le disséquer, et ma demande n’excita aucun soupçon. Marché conclu, je donnai quatre bouteilles de Kirschen-Wasser, et bientôt deux soldats russes m’apportèrent sur un brancard M. le colonel Fougas.

Dès que je fus seul avec lui, je lui piquai le doigt : la pression fit sortir une goutte de sang. La placer sous un microscope, entre deux lamelles de verre, fut pour moi l’affaire d’une minute. Ô bonheur ! la fibrine n’était pas coagulée ! Les globules rouges se montraient nettement circulaires, aplatis, biconcaves, sans crénelures, ni dentelures, ni gonflement sphéroïdal. Les globules blancs se déformaient et reprenaient alternativement la forme sphérique, pour se déformer encore lentement par de délicates expansions. Je ne m’étais donc pas trompé, c’était bien un homme engourdi que j’avais sous les yeux et non un cadavre !

Je le portai sur une balance. Il pesait cent quarante livres, ses vêtements compris. Je n’eus garde de le déshabiller, car j’avais reconnu que les ani-