Page:About - Le Fellah, souvenirs d'Egypte, 1883.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sisyphe. Le canal était achevé dans le voisinage de Port-Saïd ; il passait comme une flèche à travers le lac Menzaleh, sur une largeur de cent mètres et une profondeur de huit. On s’arrêta pour nous montrer les berges : elles sont fermes comme pierre ; je ne connais pas un canal qui coule dans une cuvette aussi épaisse et aussi forte. Le plus bel étonnement de la journée fut le spectacle du port. Dans une lagune dont la profondeur moyenne était peut-être d’un mètre, les ingénieurs ont creusé trois énormes bassins où les plus grands bâtiments du commerce sont en sûreté comme à la Joliette. Les Messageries impériales, la Compagnie russe, la Compagnie italienne et deux ou trois autres encore y envoient leurs paquebots à jour fixe ; toutes les marines marchandes de l’Europe y sont représentées ; à mesure qu’une drague achève son travail, un navire vient mouiller à sa place. M. Longman n’en croyait pas ses yeux ; le petit Butterfly était perdu comme un nain dans la foule : il fallut le chercher longtemps.

Les déblais du port entassés, égouttés et nivelés ont fait une presqu’île solide où les employés de l’isthme ont dressé leur tente. Au bout d’un an ou deux, ils ont commandé quelques chalets en France ; aujourd’hui Port-Saïd abrite dix mille habitants.

Nous y fûmes reçus par un jeune homme qui est consul de France et chef des travaux du port ; il se nomme Laroche. C’est un de ceux que M. Longman appelait familièrement nos petits ingénieurs. M. Laroche est arrivé ici au sortir de l’école avec quelques ouvriers de la compagnie ; c’est lui qui a commencé l’installation des travaux et créé la ville. Vous devinez s’il a travaillé, souffert et lutté ! Quant