Page:About - Le Fellah, souvenirs d'Egypte, 1883.djvu/335

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à lui, il ne paraît pas se souvenir des mauvais jours ni se douter de son mérite. C’est un pionnier très-réussi, plutôt petit que grand, brun, vif, spirituel, musicien, lettré, porté à rire et sujet à des bouffées de mélancolie qui passent vite. Nous fûmes vieux camarades en moins de dix minutes ; Najac le connaissait d’avance, nous avions des amis communs ; d’ailleurs il y a des hommes qui sont nés pour commander la sympathie comme d’autres pour commander la charge en quatre temps. Ahmed fut pris aussi vite que nous. Pauvre Ahmed ! il ne savait que faire de sa personne ; les Anglais étaient embarqués à bord du Butterfly, où il n’y avait pas de logement pour lui.

On nous installa tous à l’hôtel, c’est-à-dire dans un long chalet sans étage qui regarde la mer par toutes ses fenêtres. La compagnie a des chambres très-proprement meublées, un café-restaurant, un cercle même à la disposition des voyageurs. Les inconnus sont bien traités pour leur argent ; mais celui que M. de Lesseps a recommandé reçoit dans tout l’isthme une hospitalité royale. Notre couvert fut mis matin et soir chez Laroche, quand nous ne dînions pas chez M. Borel ou chez M. Lavalley. Les Longman, que nous avions visités à leur bord, acceptèrent une invitation, puis deux, à charge de revanche. Le vendredi soir, sous prétexte de nous offrir une tasse de thé, ils nous noyèrent dans le vin de Champagne. Le maître du Butterfly parlait toujours de son départ, la jeune dame avait peur de la mer, la vieille demoiselle demeurait par esprit de charité féminine, et miss Grâce ne disait rien. Ahmed n’avait des yeux que pour elle quand nous la