Page:About - Le Fellah, souvenirs d'Egypte, 1883.djvu/338

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achevions notre toilette. « Je reste, me dit-il ; il y a du nouveau, quoiqu’elle ne m’ait rien écrit, rien ne bouge à leur bord, ils ne font pas le geste de lever l’ancre.

— Pour une excellente raison ; ils sont amarrés à une bouée.

— N’importe ; s’ils devaient partir à six heures, on verrait du monde sur le pont à cinq heures trois quarts.

— La marine anglaise est subtile ; elle fait beaucoup de besogne et peu d’embarras.

Laroche accourut. « Allons, vite au canot ! M. Voisin a failli vous attendre ; vous savez la consigne de l’isthme.

Et de courir. Ahmed suivait machinalement, comme un corps sans âme. Je le poussai vers la barque qui nous portait au petit vapeur arrêté dans l’arrière-port. A peine assis, il se confondit en excuses et dit à M. Voisin : — Je ne pars pas, monsieur le bey ; c’est une affaire de vie ou de mort. Mlle Thornton a daigné… M. Longman a bien voulu… Vous aviez deviné sans doute mes sentiments… Dieu merci, tout s’arrange, et ce cher petit yacht, qui se tient immobile là-bas, prouve que la jeune demoiselle…

Il n’avait pas fini sa phrase que le yacht, larguant son amarre, déploya une voile, puis deux, puis trois ; il se couvrit de toile et se mit à glisser sur l’eau polie. Ahmed perdit la parole et demeura pétrifié. Le Butterfly passait à deux encablures de nous, les hublots fermés, le pont désert. A peine si l’on apercevait le timonier derrière une guirlande de poulets plumés et de viandes fraîches. Je ne sais si je dois confesser que nous étions émus. Ce petit bâtiment,