Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/106

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du sable et faim comme des dogues ! La basse-cour y passera, et si l’argent vient, il ne viendra guère… Mais, tenez, les voilà qui s’avancent du bout de la plaine… Les voyez-vous, leurs mousquetons sur l’épaule ?

– Fort bien ! Ils sont en chasse de quelque malfaiteur, sans doute ?

– Ah bien oui ! le pays pourrait être pillé qu’ils n’y prendraient seulement pas garde… ils cherchent un pauvre soldat.

– Un soldat ?

– Quelque déserteur, à ce que m’a conté le brigadier, qui parle assez volontiers de ses affaires… Il s’agit d’un jeune homme à peu près de votre taille, blond comme vous, leste et vigoureux ainsi que vous semblez l’être.

L’hôtesse cessa de parler pour regarder Belle-Rose. L’éclair du soupçon passa dans ses yeux. Belle-Rose se leva, jeta quelque monnaie sur la table et se dirigea vers la porte. La crosse d’un mousquet frappa les cailloux. L’hôtesse s’élança vers le fugitif.

– Chut ! fit-elle rapidement à son oreille, je n’ai rien compris, rien deviné, mais n’avancez pas ! Un pied sur la route, et vous êtes mort. Passez là, dans ce cabinet ; je vais les occuper avec mon meilleur vin… S’ils ne vous voient pas, dans une heure ils partiront, et vous serez sauvé… S’ils vous voient, dame ! il y a la fenêtre !

Belle-Rose se jeta dans la salle voisine au moment où la porte du cabaret s’ouvrait.

– Le ciel est un four et la route est un gril ! dit le soldat en entrant.

– Si bien que vous avez une soif de damné, répondit l’hôtesse. Prenez donc et buvez, ajouta-t-elle en posant une cruche de vin sur la table.

Ceux qui venaient par la plaine entrèrent à l’instant. La plupart jetèrent sur les bancs leurs chapeaux et leurs mousquets, et s’assirent autour de la table. L’hôtesse passait et repassait de la salle au cabinet, qui avait une issue sur la cuisine.