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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/121

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sa liberté. Quelques mots écrits à la hâte instruisirent Claudine et Cornélius des événements qui avaient suivi son départ de Paris et du parti qu’il venait d’arrêter. Il confia ses lettres à un laquais, avec prière de les porter en toute hâte au logis de M. d’Albergotti. Trois ou quatre louis l’assurèrent de la diligence du valet, et il attendit le retour de Mme de Châteaufort pour lui déclarer sa volonté de partir sur l’heure. Cette attente fut longue, inquiète, tourmentée. Belle-Rose sentait qu’il n’avait point trop de tout son courage pour soutenir la vue de Geneviève, et dans la connaissance qu’il avait du trouble que la présence de cette nouvelle amie jetait dans son âme, il se demandait s’il ne ferait pas mieux de s’éloigner sans lui parler. La crainte de l’offenser l’arrêta ; étrange pensée au moment où il se décidait à la fuir pour toujours ! Mme de Châteaufort rentra très tard ce jour-là ; minuit venait de sonner quand les grilles du parc s’ouvrirent, et avant que Belle-Rose pût lui parler, elle passa dans ses appartements. Le sergent remit donc sa confidence et son départ au lendemain. Si l’on avait pu descendre jusqu’au fond de son cœur, peut-être aurait-on découvert qu’il n’était point trop affligé de ce contre-temps. Caché derrière un massif de verdure, il avait vu descendre, à la clarté des flambeaux, Mme de Châteaufort, belle et rapide comme Diane. Sa fugitive apparition l’avait ébloui. Mme de Châteaufort et Belle-Rose occupaient un corps de logis séparé de l’habitation principale, que les ouvriers étaient en train de réparer ; l’appartement de Belle-Rose était au rez-de-chaussée, celui de la duchesse au premier étage. Tous deux avaient vue sur le parc. La nuit était superbe ; les étoiles sans nombre, répandues comme une poussière d’or sur le velours du ciel, projetaient dans l’espace une lueur tremblante, tandis que les sombres massifs du parc voilaient l’horizon incertain. Belle-Rose ouvrit la fenêtre et présenta son front nu aux fraîches haleines de la nuit ; l’agitation de ses pensées ne lui permettant pas de