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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/189

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– Vous ! s’écria Belle-Rose, qui, à son tour, se mit à étudier les traits du général avec une avide curiosité.

– Mais tu n’as donc pas gardé le moindre souvenir d’une journée dont pas une heure ne s’est effacée de ma mémoire ! Ah ! tu n’as pas fait mentir ma prédiction : le brave enfant est devenu un brave officier !

– Le colporteur ! dit enfin Belle-Rose avec explosion.

– Eh oui ! le colporteur, devenu, par la grâce de Dieu, général au service du roi. Les temps ne sont plus les mêmes, le cœur seul n’est pas changé. Enfant, tu m’as rendu service ; homme, c’est à mon tour à te servir.

– Eh bien, monsieur le duc, s’il est vrai que vous vous souveniez de cette nuit passée sous le toit de Guillaume Grinedal, permettez-moi de ne pas vous demander d’autre preuve de votre bienveillance que la vie de M. de Nancrais.

– Encore !

– Toujours ! Je ne veux rien et n’attends rien pour moi ; mais faites que cette rencontre inespérée sauve mon capitaine comme notre première rencontre vous a été de quelque secours. Entre tous les jours de ma vie ce seront deux jours bénis.

M. de Luxembourg tournait et retournait le médaillon entre ses doigts, caressant du regard une image que le couvercle chassé venait de mettre à découvert.

– Tu n’as pas non plus changé, toi, mon ami Jacques, dit-il ; tu es toujours le même garçon fier et résolu. Allons, va. Je ferai pour M. de Nancrais tout ce que les lois militaires me permettront.

Belle-Rose comprit cette fois qu’il n’avait pas à rester davantage ; il s’inclina devant le général et sortit. La Déroute l’attendait au dehors. Aussitôt qu’il reconnut son lieutenant dans la nuit, il courut vers lui.

– C’est vous, enfin ! s’écria-t-il. Voilà une heure que je craignais que vous n’eussiez été rejoindre M. de Nancrais pour ne plus le quitter.