Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/192

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M. de Nancrais croisa ses bras sur sa poitrine et se tut. Tout le corps de Belle-Rose était penché en avant pour mieux entendre ce qu’allait dire le duc. Celui-ci continua :

– Vous avez été puni pour la faute, monsieur, et c’était justice ; il est équitable maintenant que vous soyez récompensé pour la victoire.

M. de Nancrais tressaillit, et Belle-Rose respira comme un homme qui, après être resté quelque temps sous l’eau, revient à la lumière.

– Vous avez lavé votre faute dans le sang de l’ennemi, la trace en doit être effacée. Au nom du roi, je vous ai retiré l’épée de capitaine ; au nom du roi, je vous rends une épée de colonel. Prenez-la donc, monsieur, et si vous servez toujours dignement votre pays comme vous l’avez fait jusqu’à présent, de nouvelles récompenses ne tarderont pas à vous chercher.

M. le duc de Luxembourg tendit la main à M. de Nancrais. Cet homme fort que l’approche de la mort ne pouvait émouvoir, se troubla comme un enfant aux paroles du général ; il prit l’épée d’une main tremblante, et, sans voix pour le remercier d’une faveur si noblement accordée, il ne put exprimer que par son trouble et son émotion la grandeur de sa reconnaissance. Les officiers l’entourèrent, et M. de Luxembourg, s’esquivant, s’approcha de Belle-Rose.

– Tu en as appelé du général au colporteur, dit-il, le colporteur s’est souvenu.

Belle-Rose voulut répondre, M. de Luxembourg l’arrêta.

– J’étais ton obligé, lui dit-il avec bonté, j’ai voulu prendre ma revanche : voilà tout ; maintenant, au lieu d’un protecteur, tu en as deux.

Une minute après ce fut au tour de M. de Nancrais.

– Je sais ce que je te dois, dit-il à Belle-Rose ; si tu as perdu un ami en M. d’Assonville, tu as gagné un frère en moi, souviens-t’en.