Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/205

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– Je le trouverai.

– Tu lui remettras cette lettre. Elle est, comme tu peux voir, sous enveloppe et sans adresse ; cette lettre a été écrite par une femme.

– Parole de femme, glu pour les hommes !

– Justement. Tu diras à Belle-Rose que la personne qui t’a remis cette lettre l’attend à deux lieues du camp, derrière Morlanwels, près d’un bois que tu dois connaître.

– Je le connais. C’est un endroit merveilleux pour les embuscades.

– C’est ce que j’ai pensé hier en m’y promenant. Tu t’arrangeras pour que le lieutenant Grinedal te suive en ce bois.

– Il m’y suivra.

– Dans ce cas, tu auras vingt louis.

– Ils sont gagnés.

– Très bien. Un mot encore. Si tu te laisses soupçonner, tu es pendu.

– Ma mère, qui était un peu sorcière, m’a toujours prédit que je mourrais dans l’eau. Vous voyez bien que je n’ai rien à craindre.

– Va donc. Voici la lettre.

– Est-ce tout ?

– Tout ; le reste me regarde.

Au point du jour, Conrad partit. C’était un homme accoutumé aux aventures périlleuses, et qui avait eu tant de fois affaire aux prévôts, qu’il ne redoutait plus rien. Il avait le pied leste, l’œil vif, la main souple et la langue adroite. Il s’était pour la circonstance revêtu d’un habit de paysan sous lequel, à tout hasard, il avait glissé un poignard et deux pistolets. Au moment où il apercevait les premières tentes de l’armée, un coup de canon retentit. Au même instant les clairons sonnèrent, les tambours battirent aux champs, et mille cris s’élevèrent du camp. Conrad s’arrêta. On voyait, dans les longues rues de cette ville de toile, s’agiter une foule d’officiers ; des gentilshommes couraient au galop distribuant des