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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/281

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Belle-Rose remercia le gouverneur par un regard et avala la pinte. Une seconde lui fut présentée, mais il ne put aller jusqu’au bout. L’un des aides lui coucha la tête en arrière et vida la pinte jusqu’à la dernière goutte. Belle-Rose tressaillit.

– On est prêt à recueillir vos aveux, monsieur, reprit le gouverneur ; voulez-vous parler ?

– Non, monsieur, dit le soldat dont l’âme restait inflexible.

On souleva une troisième pinte à la hauteur des lèvres de Belle-Rose ; il en but quelques gorgées, mais ses dents se serrèrent par un mouvement convulsif, et l’eau coula sur sa poitrine nue.

– Persistez-vous encore dans votre silence, monsieur ? interrompit le gouverneur.

– Encore et toujours ! fit le patient d’une voix étouffée.

L’un des tortionnaires entr’ouvrit les dents à l’aide d’un fer, introduisit dans la bouche de Belle-Rose le goulot d’un entonnoir et entonna une autre pinte. Belle-Rose pâlit horriblement ; ses doigts crispés se nouèrent autour du bois, et d’une secousse, arrachée par la douleur, il ébranla la chaise sur laquelle il était lié. Une autre pinte d’eau disparut dans l’entonnoir, puis une autre encore. De grosses gouttes de sueur roulèrent sur le front du patient, ses yeux s’injectèrent de sang, ses joues devinrent bleuâtres. Le gouverneur réitéra sa question ; Belle-Rose entendait encore, mais ne pouvant plus répondre, il fit de la tête un signe négatif. L’entonnoir s’emplit de nouveau. Une violente convulsion agita le corps du patient, il poussa un cri sourd, raidit ses membres, rompit les liens qui garrottaient l’un de ses bras, saisit l’entonnoir, le broya entre ses doigts, et, brisé par la souffrance, retomba sur la chaise, évanoui. Le médecin, qui depuis quelques instants consultait le pouls de Belle-Rose, appuya sa main sur le cœur du patient.

– Eh bien ! demanda le gouverneur.