Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/384

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– Huit mille livres sterling ? reprit la mère Évangélique.

– Ah ! pardon, madame, c’est une monnaie de notre pays qui vaut à peu près vingt-cinq livres de France : c’est notre louis à nous.

– Très bien ! vous excuserez, mon fils, l’ignorance d’une fille qui est toute en Dieu.

– Huit mille livres, continua négligemment Cornélius, ça fait une somme ronde de deux cent mille francs.

– Nous ne regardons jamais à la dot, dit la supérieure ; le cœur est la seule richesse qu’envie notre mère à tous ; mais cet argent nous aidera à faire le bien qui profitera à notre ordre pieux et à la gloire de la religion.

La conversation continua sur ce pied-là quelques instants encore ; après quoi Cornélius, tirant de sa poche une bourse dans laquelle il y avait cinquante louis à peu près, pria la supérieure de l’accepter au nom de miss Harriett pour faire quelques aumônes.

– Quant aux frais d’entretien, nous les réglerons comme vous l’entendrez, madame, jusqu’au jour où ma sœur prendra le voile, si elle persiste dans son intention.

Claudine ne se sentait pas de joie en pénétrant dans l’intérieur du couvent : elle regardait partout pour voir si elle n’apercevrait pas Suzanne ; mais, ce jour-là, elle dut se résoudre au seul plaisir de dormir sous le même toit. Suzanne ne parut pas au réfectoire. Mais le lendemain, à la prière du matin, où Claudine ne manqua pas d’assister, elle reconnut Suzanne parmi les novices. Mme d’Albergotti était plus pâle que les cierges qui brûlaient au fond du sanctuaire ; ses grands yeux étaient noyés de tristesse ; le sourire était mort sur ses lèvres. Elle s’agenouilla avec ses compagnes sur le marbre et pencha son front sur ses mains jointes. Claudine pleurait sur son livre de prières. Il lui venait des envies folles de se lever et de courir à Suzanne pour l’embrasser. Mais c’eût été tout perdre, et elle demeurait à sa place en