Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/385

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frappant le sol de ses petits pieds. L’aspect de cette sombre chapelle où l’orgue mugissait, la vue de ces costumes sévères qui semblaient emprisonner le corps sous un suaire, l’expression de ces visages où l’on voyait se refléter la blancheur des sépulcres, tout cet appareil sinistre de la religion dans ce que le catholicisme a de plus sévère, glaçait l’âme de la pauvre fille et répugnait à cette nature bonne, expansive et vivace. Ses yeux, un instant fatigués de l’austérité de ce spectacle, se tournèrent vers les grands vitraux de la chapelle pour y chercher un peu de lumière, quelque rayon d’or venu du ciel ; puis ils s’abaissèrent de nouveau et s’arrêtèrent sur Suzanne, qu’ils ne quittèrent plus. Cependant l’office finissait, les derniers chants se mouraient sous les arceaux sonores ; Claudine abandonna sa chaise et vint, agenouillée et son livre à la main, se ranger sur le passage des religieuses qui suivaient les novices. Suzanne venait l’une des dernières ; comme elle passait devant Claudine, le front baissé et les mains croisées sur le cœur, Claudine effleura doucement du bout de ses doigts la longue robe de Mme d’Albergotti ; Suzanne tourna les yeux de son côté et rencontra le regard brillant de Claudine, qui promenait un autre doigt sur sa bouche. Il semblait à Mme d’Albergotti que c’était une apparition, et tout son corps frissonna comme l’eau d’un lac sur lequel passe un vent léger. Le cortège la poussait en avant, elle continua sa marche silencieuse ; mais ce matin-là elle ne sortit pas de la chapelle sans bénir Dieu. On comprend sans peine que Suzanne ne resta pas dans sa cellule ce jour-là. Vers midi, à l’heure de la promenade, elle descendit au jardin et parcourut les allées qui étaient les plus proches de la porte d’entrée. Au bout d’un quart d’heure elle rencontra Claudine, qui marchait à côté d’une religieuse. Elles échangèrent un regard et passèrent. Ce regard mit des larmes dans les yeux de Suzanne, qui se voyait enfin secourue. Elles se promenèrent